CROIX ROUGE COMPROMIS OU COMPROMISSION ??

Publié le par Par Viviane Miles © Metula News Agency

L’actualité très dense en Israël a quelque peu occulté l’arrivée de deux nouvelles sociétés au sein de la Fédération internationale des Sociétés de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge, ce qui porte le nombre des Etats-membres à 185. En effet, le 22 juin dernier, la 29ème Conférence internationale de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge a officiellement admis comme membres le Magen David Adom, l’étoile de David Rouge, et le Croissant-Rouge palestinien (CRP). Le même jour, elle a également entériné un amendement du 8 décembre 2005, qui proposait un nouvel emblème pour représenter le Mouvement international de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge : le Cristal-Rouge. Double avantage, aux yeux de ses initiateurs de ce nouveau logo en forme de carré rouge sur fond blanc posé sur sa pointe : n’avoir aucune connotation religieuse, politique ou ethnique, et permettre aux emblèmes nationaux, Etoile de David Rouge comprise, de figurer à l’intérieur du carré.

 

Rappelons cependant que la décision d’aujourd’hui est l’aboutissement d’un long et laborieux processus, qui a connu bien des obstacles et des querelles depuis plus d’un demi-siècle.

 

Pour comprendre la situation actuelle, un retour au début du XXème siècle s’impose. Le Magen David Adom (MDA) a fait son apparition en 1915, sous la houlette du Dr. Erlanger, médecin à Lucerne, en Suisse. S’adressant aux rabbins des communautés juives de France, d’Angleterre, d’Allemagne, de Russie et de l’Empire austro-hongrois, il mit sur pied une association dont le but était de venir en aide aux blessés et prisonniers juifs de la 1ère Guerre mondiale. La première antenne du Magen David Adom à Tel-Aviv fut inaugurée en 1930, puis d’autres antennes se sont ouvertes en Terre sainte, à Jérusalem et à Haïfa. Aujourd’hui chaque bourg possède son antenne de Mada, le surnom actualisé de l’institution.

 

Depuis la création de l’Etat d’Israël, en 1948, et jusqu’en décembre 2005, le Comité international de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge a constamment refusé d’intégrer le MDA dans ses rangs. Le motif invoqué en 1949, lors de la "Conférence diplomatique des Etats", était le désir d’éviter la prolifération d’emblèmes nationaux. Faux prétexte, indubitablement, au vu de l’acceptation, en 1929, du Croissant-Rouge (adopté par l’Empire ottoman en 1876) et du Lion-et-soleil-Rouge perse (abandonné en 1979 par la révolution iranienne). De son côté, Israël, refusant de se plier à l’exigence d’arborer le symbole d’une croix chrétienne ou d’un croissant musulman, l’adhésion de la société de secours israélienne se trouvait dans l’impasse. Sa non reconnaissance officielle n’a toutefois pas empêché le CICR de lui apporter sa collaboration sur de nombreux plans depuis le milieu des années 1990, notamment dans des programmes de financement de matériel médical et de banque du sang. Par ailleurs, il est intéressant de noter que, depuis 1957, le Magen David Adom participe en qualité d’observateur à l’Assemblée générale de la Fédération internationale des Sociétés de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge ainsi qu’aux réunions statutaires du Mouvement.

 



image

Trouvez l’erreur !

Les symboles des 3 grandes religions monothéistes : les chrétiens, les musulmans et les losangistes…

 

Aussi, l’adoption du cristal rouge comme emblème universel et l’accession du MDA au statut  de membre à part entière de la Fédération internationale de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge résolvent-elles un vieux différend, à la grande satisfaction d’Itzhak Levanon, l’ambassadeur d’Israël à Genève, siège du CICR, qui estime que « cela efface une injustice historique qui a duré trop longtemps ». Bonne affaire pour la fédération internationale également, puisqu’elle récupère quelque 28 millions d’euros de la Croix-Rouge américaine, qui avait suspendu sa contribution depuis 2000 afin de manifester son mécontentement face à l’exclusion de Mada.

 

On peut toutefois s’interroger sur les enjeux qui ont abouti à la pleine acceptation de l’Etoile de David Rouge dans le giron des Etats membres de la prestigieuse institution, étant donné les extraordinaires réticences de la quasi-totalité des pays arabes et musulmans depuis des années. La contrepartie satisfaisante à leurs yeux a sans doute consisté en l’introduction concomitante du Croissant-Rouge palestinien dans le cénacle. Pour ce faire, il a donc fallu modifier l'article stipulant que chaque société nationale doit être liée à un Etat souverain pour devenir membre de la Fédération internationale des Croix-Rouge et Croissant-Rouge, compte tenu du statut particulier de l’Autorité Palestinienne.

 

Israël n’a d’ailleurs pas attendu cette échéance pour collaborer avec le Croissant-Rouge palestinien. Depuis 1987, le MDA a formé plus de 1’200 ambulanciers et réanimateurs palestiniens, et coopère régulièrement avec le CRP, malgré la situation sécuritaire tendue que l’on connaît sur le terrain. Le 28 novembre de l’année dernière, un accord de reconnaissance mutuelle et de coopération a été signé par les présidents des deux sociétés de secours, Noam Yifrakh et Younis Al-Khatib ; et, il y a un mois, l’Etoile de David Rouge a offert deux ambulances à ses homologues palestiniens. Mada s’est, de plus, engagé à céder aux Palestiniens six ambulances marquées du Croissant-Rouge et immatriculées en Israël. Ceci afin de leur permettre de passer sans difficultés ni retards les postes de contrôle de Tsahal.

 

Ce dernier point soulève cependant l’épineuse question de la sécurité. Un souci qui ne date pas d’hier non plus. Dans la Revue Militaire Suisse n° 3/2003 [lire], le capitaine Ludovic Monnerat, décrivant les explosifs des organisations terroristes palestiniennes, affirmait qu’ « à la fin mars 2002, des soldats israéliens ont intercepté une ambulance palestinienne contenant 16 charges de 10 kg dissimulées dans un brancard. », épisode que mon collègue de la Ména Ilan Tsadik avait également mentionné à l’époque des faits [lire l’article]. D’autre part, selon un [rapport] de l’Organisation Mondiale de la Santé, daté du 17 mai 2004, « les soldats des postes de contrôle doivent conduire une fouille minutieuse des malades palestiniens, des femmes enceintes qui préfèrent accoucher en Israël et des équipes médicales. Ces fouilles peuvent entraîner des retards. Si elles ont lieu, c’est parce que des ambulances ont été utilisées pour transporter clandestinement des terroristes et des armes ou des terroristes déguisés en malades. ». Les deux sociétés de secours actives dans la région négocient actuellement un accord qui consiste, entre autres, pour le CRP, à fournir à l’avance la liste des intervenants palestiniens, ceci afin d’accélérer les contrôles aux check-points, tout en empêchant des personnes extérieures aux services d’abuser de l’immunité accordée aux ambulances.

 

Ces facilités, ainsi que la reconnaissance du MDA et du CRP au sein d’une même institution prestigieuse, pourraient rapprocher les voisins ennemis plus que toutes les tentatives politiques des dirigeants actuels et éviter que ce lien, si ténu soit-il, ne se rompe au vu des événements de ces derniers jours. Comme beaucoup d’autres liens avant lui…


Publié dans ACTUALITE

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article