EXCLUSIF - propos par C.GARSO

Publié le par comité de défense de l'ethique communautaire

Exclusif
«Il y a un antisémitisme flagrant dans la manière dont les choses se sont

déroulées»

Propos recueillis par Catherine Garso

Le Rabbin X, qui ne souhaite pas que son identité soit révélée par souci pour ses proches, a été l?un des premiers à être contacté par les ravisseurs d?Ilan Halimi. Il raconte comment se sont déroulés les débuts de l?enquête et livre ses réflexions à l?aune du judaïsme sur cette épouvantable affaire.

Actualité Juive : En quelles circonstances avez-vous été mêlé à l?affaire Halimi ?

Rabbin X : En sortant d?une soirée de bar-mitsva le dimanche 29 janvier, je me suis aperçu que mon portable me signalait trois messages (voir encadré - Ndlr). Quand j?ai écouté le premier d?entre eux, j?ai bien entendu été très surpris. J?espérais alors qu?il s?agissait d?un canular. Mais comme le deuxième et le troisième étaient de la même teneur, j?ai pris cela très au sérieux et je me suis dit qu?il y avait sûrement là la vie d?un Juif qui était en jeu. Je me suis immédiatement rendu au centre de la police judiciaire. J?y suis resté deux heures jusqu?à ce qu?arrivent environ cinq ou six commissaires et inspecteurs du Quai des Orfèvres. Plus tard, j?ai appris qu?une partie de l?équipe appartenait à la police criminelle et l?autre à la cellule anti terroriste. On a passé la nuit et une bonne partie de la journée suivante ensemble parce qu?ils pensaient que, peut-être, je recevrais d?autres messages de la part des ravisseurs. Chose qui n?a pas eu lieu.

A. J. : La police a-t-elle vite fait le lien avec les enlèvements et les tentatives de rapt précédentes ?

R. X. : Concrètement, les messages me demandaient d?aller dans un endroit précis mais c?est la police qui s?y est rendue. Les policiers y ont récupéré la cassette qu?ils ont maniée avec des gants, probablement pour sauvegarder d?éventuelles empreintes. lls ne me l?ont pas montrée mais l?un d?eux m?a expliqué que, selon lui, Ilan était vivant, qu?il avait les yeux bandés avec un flingue contre la tempe à la manière irakienne. Et qu?il portait des traces de coups. Je pense que c?est à ce moment précis qu?ils ont fait le lien avec les autres histoires d?enlèvements. Bien sûr, moi j?ignorais tout à leur propos. J?ai l?impression qu?au début, la police ne voulait pas spécialement faire le lien avec elles. Elle a travaillé très sérieusement sur l?histoire d?Ilan mais en même temps, elle espérait, je crois, que cela n?avait aucun rapport avec les enlèvements précédents. Lorsqu?elle s?est rendu compte que ce n?était pas le cas, tout s?est passé rapidement. Elle a alors fait venir le père d?Ilan. On m?a aussi dit qu?une rançon avait été demandée. Il a été convenu que je ne réponde plus au téléphone pendant un certain temps, probablement pour mettre mon appareil sur écoute. Puis, les policiers m?ont dit que si les ravisseurs me rappelaient, il fallait dire que j?avais suivi les instructions à la lettre. A savoir que j?avais contacté Monsieur Halimi pour lui demander la rançon. La dernière chose que j?ai vue par moi-même, c?est le père d?Ilan téléphoner et entamer les négociations. Ensuite, je me suis tenu à la disposition de la police comme cela me l?avait été demandé, mais les ravisseurs ne m?ont plus contacté.

A. J. : Personnellement, comment percevez-vous le travail de la police ?

R. X. : Comme vous le savez, les deux parents n?ont pas la même appréciation du travail de la police. Il est difficile de ne pas être sensible à la position de Madame Halimi (qui reproche notamment à la police d?avoir conseillé de ne plus répondre aux éventuels appels des kidnappeurs - Ndlr) même quand, comme moi, on a vu les policiers faire leur boulot. Pourquoi ? Parce que, comme tout le monde l?a souligné, peut-on, quand on sait qu?il y a la vie d?un être humain en jeu, faire « monter la sauce » par un silence et exciter des gens qui sont prêts à faire n?importe quoi ? Mais, personnellement, ce qui m?interpelle le plus dans toute cette histoire, c?est de savoir comment et pourquoi, lorsque l?endroit où avait eu lieu un précédent enlèvement a été connu, alors qu?il se trouvait à 200 mètres de là où était détenu et torturé Ilan Halimi, la police n?a pas mis sur l?affaire un maximum d?effectifs pour aller voir ce qui s?y passait.

A. J. : Dans cette affaire, l?antisémitisme a-t-il joué selon vous un vrai rôle ?

R. X. : Il y a un antisémitisme flagrant dans la manière dont les choses se sont déroulées. Il n?y a qu?à voir le contenu des messages que j?ai reçus. Et pourtant, on a l?impression que si pour les Juifs, l?antisémitisme ne fait pas de doute, il n?en va pas de même pour les autres. La question est donc : pourquoi se donne-t-on tant de mal pour dissocier l?action de ces gens-là d?un motif antisémite ? Certes, la juge a retenu l?antisémitisme comme circonstance aggravante mais on a l?impression que cela peut être remis en cause au final. Si cela ne change rien au plan de la « crapulerie » de l?acte, cela aura une importance en ce qui concerne l?état d?esprit de ceux qui veulent faire du mal aux Juifs. Si, maintenant, on arrive à faire du mal aux Juifs sans être taxé d?antisémitisme, c?est la porte ouverte à toutes les dérives. C?est aussi le rêve de tous ceux qui, politiquement marqués, voudraient que l?antisémitisme ne vienne que de l?extrême droite. A ne vouloir stigmatiser l?antisémitisme que lorsqu?il est de droite, on encourage l?autre côté à le perpétuer.

A. J. : Sur un plan plus rabbinique, peut-on dire qu?Ilan Halimi est mort « al kidouch Hachem » ?

R. X. : La définition la plus élevée du « kidouch Hachem » est celle où, à l?instar de certains tsadikim, on choisit de mourir pour « la sanctification du nom divin ». Mais, il y a plusieurs cas cités par la Guemara où des personnes sont réputées être mortes « al kidouch Hachem » pas du tout parce qu?elles l?ont décidé mais parce que, dans le regard de celui qui les torturait, qui leur faisait du mal, c?était la haine qu?il ressentait envers tout le « âm Israël » qui s?exprimait. C?est pourquoi, chaque fois que quelqu?un est assassiné parce qu?il est juif, on dit l?expression « il est mort al kidouch Hachem ». Lorsque les Juifs ont été exterminés pendant la Shoah, tous n?étaient pas religieux, bien entendu. Cependant, lorsque l?on récite le célèbre « El malé Rahamim », on dit toujours « Qui ont été tués et brûlés al kidouch Hachem ». Si l?on rapporte cela au cas d?Ilan, même si l?on dit que tous ces gens là étaient des paumés, des déstructurés, même si l?on dit qu?ils se sont attaqués à des Juifs mais aussi à des non Juifs, même si, même si..., on sait très bien que l?acharnement avec lequel ils s?en sont pris à ce garçon là s?explique par le fait qu?il était juif. Et c?est en cela qu?Ilan est mort « al kidouch Hachem ».

Publié dans ANTISEMITISME

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