Netanya, roman noir

Publié le par Larry Defner - JPost

"J'ai entendu six coups de feu. Puis j'ai vu deux hommes s'enfuir à moto", raconte un témoin, la veille de Rosh Hashana. A quelques pas de son lieu de travail, ces deux motards tentaient de liquider le chef de la mafia de Netanya, Charlie Aboutboul. En vain, une fois de plus.

Tous les restaurants Bat Haikar ont été saccagés.
Photo: JPost

Aboutboul, 54 ans, est retourné en résidence surveillée pour son rôle présumé dans un complot d'assassinat à l'encontre d'un chef d'une bande rivale. "Il venait de finir sa séance de musculation à la salle de gym et sortait pour rejoindre sa voiture", explique l'homme, en montrant les luxueux appartements Carmel surplombant la mer, où Aboutboul possède l'une de ses résidences. "Ce n'est pas nouveau. Bienvenue à Netanya. On dirait que la saison des assassinats est rouverte", poursuit le témoin. "Bonne journée et faites attention."

En réalité, pas besoin d'être plus prudent à Netanya que dans d'autres villes. Mais il est vrai que l'activité mafieuse y est particulièrement importante, avec la famille Aboutboul comme chef de file. Les 180 000 résidents essaient de voir les choses différemment. "Les assassinats se font entre criminels. Chacun veut régner sur le monde. Cela ne nous touche pas nous, les petites gens. Qu'ils continuent à s'entretuer", pointe un marchand du shouk du centre-ville.

En réalité, les meurtres entre gangs ont aussi tué ou blessé des passants innocents. Il y a deux ans, lorsqu'un rival armé blesse Aboutboul, trois passants sont touchés. En juillet, une grenade lancée contre l'un des restaurants Bat Haikar de la famille laisse une femme en état de choc. (Les trois Bat Haikar de la ville avaient été incendiés la nuit précédente, et restent depuis fermés).

Il y a six ans, dans le casino de la famille à Prague, une grenade blesse 18 clients. "En ville, il y a certains restaurants où vous savez que ce genre de choses peut arriver", explique un vendeur du shouk. "Netanya est une ville agréable à vivre. Mais si vous êtes assis à un restaurant et que vous voyez ce qui ressemble à une réunion de famille mafieuse à une table à côté, pas la peine de mettre un point d'honneur à finir votre café avant de partir", poursuit un commerçant voisin de l'un des restaurants Bat Haikar incendiés.

Il y a deux ans, la tentative de meurtre sur Aboutboul sera suivie quatre jours plus tard par une tentative d'assassinat d'un homme de main de la famille rivale, Shirazi. La police s'est alors rendue dans les restaurants Bat Haikar des Aboutboul et les restaurants Gahalim des Shirazi pour prévenir les clients des risques qu'ils encouraient.

Les Aboutboul, parrains locaux

Aucune des personnes interrogées pour cet article n'a accepté d'être photographiée ou de publier son identité. A la station service proche du parking où l'attaque sur Aboutboul a eu lieu avant Rosh Hashana, les pompistes sont muets lorsqu'il s'agit de dire s'ils ont vu ou entendu quelque chose sur la fusillade.

Un jeune homme sans expression sort du bureau et déclare : "Je vous demande de ne pas parler aux employés, ni de prendre des photos. C'est une propriété privée." Lorsqu'on lui demande s'il a vu ou s'il sait quelque chose à propos de la tentative d'assassinat, il fait claquer sa langue : "non" et ajoute : "Je vous ai demandé gentiment. Bonne semaine."

Les Aboutboul, originaires de Tunisie, sont arrivés en Israël via la France. Ils règnent depuis les années 1970 sur le jeu, les emprunts et l'extorsion de fonds, à Netanya. Une ville connue pour attirer les immigrants français. Les enseignes des magasins ou des cafés reflètent cette influence, et il en est de même pour le crime organisé.

Les assassins de la mafia qui ont des liens avec les parrains locaux viennent de France pour commettre leurs meurtres, puis rentrent chez eux. Au cours des deux dernières décennies, les immigrants russes sont entrés en scène. L'un d'eux, Alex Dubitzky, aurait été tué à Netanya par un tireur des Aboutboul, en 1997.

Plus tôt, la femme de Dubitzky et son beau-fils avaient été abattus sans "autorisation". Le tireur un peu zélé, membre de la famille Aboutboul en France, a alors été assassiné par son propre clan pour avoir terni son nom.

Des familles mafieuses arabes de Taïbeh, localité proche, sont elles aussi entrées dans la partie à Netanya. C'est un complot présumé pour éliminer un membre de la famille Karajeh dans la zone industrielle de la ville qui avait conduit à l'assignation à résidence de Charlie Aboutboul. Mais pour la famille, tout bascule lorsque Félix, frère de Charlie et parrain du clan, est tué alors qu'il sort du Casino de Prague (comme pour Dubitzky et d'autres victimes de la mafia, Félix a été assassiné par des hommes à moto).

A Netanya, les cafés du Kikar Haatsmaout avaient fermé et le corps de Félix avait été exhibé de place en place. "C'était comme s'il nous disait au revoir", avait alors pointé un cafetier, à l'époque. "Des milliers et des milliers de personnes sont venues. Tout le monde pleurait. Il était comme le maire ici."

Cette semaine, un commerçant proche de l'un des restaurants Bat Haikar incendiés affirme : "Félix et Charlie sont ce que l'on appelle des 'gangsters avec un code d'honneur'. Ils sortent dans les rues de la ville et les gens viennent leur serrer la main. Ils aident les gens, et ils ne règlent pas leurs comptes en public, quand des civils peuvent être blessés" (Cette dernière phrase contredit pourtant les faits rapportés plus haut - L.D.).

Tourisme + divertissement = crime

Pour leurs enfants cependant, c'est une autre histoire. Le fils de Félix, Assi, purge une peine de 13 ans de prison pour un ensemble de crimes mafieux, dont extorsion de fonds. François, le fils de Charlie, a été condamné à la perpétuité pour avoir poignardé à mort un jeune de 18 ans, Raanan Lévy, lors une bagarre à la sortie d'une boîte de nuit locale.

Malgré cela, Netanya n'est pas la capitale du crime organisé en Israël. Il y a plus de violence criminelle de gangs et de trafic de drogue à Lod, et d'activité mafieuse globale - violence, drogues et entreprises illégales - à Tel-Aviv-Jaffa, et peut-être même aussi à Jérusalem. Mais à Netanya, le crime organisé a un côté plus typique, et donne à la ville un "parfum" unique.

Publié dans ISRAEL

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